Accompagnement relationnel Pour une relation à soi et aux autres plus ouverte et apaisée

Aïkido et communication relationnelle non-violente…

« Rien n’est coupé de rien et ce que tu ne comprendras pas dans ton corps, tu ne le comprendras nulle part ailleurs »
(Upanisahads) »

La méthode ESPERE et l’aïkido, art-martial que j’ai pratiqué durant de nombreuses années, paraissent selon mon point de vue, partager des points communs dans leurs expressions apparemment fort éloignées. L’intérêt de ce rapprochement sera peut-être de souligner et mieux saisir l’esprit de la non-violence au-delà de ses différentes manifestations culturelles.

Que signifie aïkido ? « Aï », peut se traduire par union, harmonisation, entente, « Ki » désigne l’énergie universelle dont l’humain a sa part, comme récepteur, transmetteur et émetteur. « Do » est la voie, le chemin, l’engagement, la responsabilité. Ainsi on peut traduire aïkido par chemin d’harmonisation, de pacification des énergies. Je rappelle aussi que pour Morihei Ueshiba, le créateur de l’aïkido (1925), cette discipline martiale visait donc à un mieux-être ensemble, à une meilleure coopération des énergies. Art martial, élaboré pour transformer la guerre en amour, le duel en duo. C’est pour moi sans conteste, l’art martial le plus noble, par l’esprit et les valeurs qu’il véhicule. Il est également intéressant de noter que c’est le seul art martial à ma connaissance qui se pratique dans un esprit de non compétition. Il n’existe pas de championnat d’Aïkido ! La notion de champion, de plus fort et donc de perdant n’existe pas dans cette discipline martiale, du moins, en principe !

Dans la pratique, cet esprit est présent en des intensités différentes. Parfois aussi l’esprit n’y est pas, et la pratique tombe alors dans les travers de l’affrontement et des rapports de forces qui nourrissent une violence larvée et parfois perverse. On n’échappe pas si facilement au système SAPPE antirelationnel si bien décrit dans la méthode ESPERE.

Je vais tenter d’énoncer quelques grands principes que j’ai repéré dans l’aïkido et qui sont mis en pratique avec plus ou moins de bonheur. J’en profiterai pour esquisser quelques parallèles avec la communication relationnelle non-violente.

- Le respect de l’intégrité physique de l’attaquant. Selon ce principe l’attaquant est respectable puisque la technique de défense qui sera utilisée s’exercera sur l’attaque et non sur l’attaquant. L’objectif est de détruire l’attaque mais pas l’assaillant (dans la méthode ESPERE, ne pas confondre le comportement et la personne est également un principe essentiel). La détruire en s’efforçant de l’épouser afin de la détourner dans une direction qui lui fasse perdre toute son énergie. Les plus adroits arriveront à utiliser efficacement l’énergie de l’assaillant pour, soit la retourner contre lui ou bien la récupérer pour désamorcer l’attaque à sa source, ou bien accompagner l’attaque pour la transformer en une forme non nuisible. Beaucoup de techniques se terminent par une immobilisation de l’assaillant ou une projection de celui-ci, ou une simple esquive. L’idéal serait de désamorcer l’intention de l’attaque dans l’esprit de l’assaillant. S’en faire un ami avant même qu’il est eu l’intention de vous nuire !

- L’écoute des intentions de l’assaillant Dans la pratique de l’aïkido chaque pratiquant travaille avec un partenaire. L’un est en position d’attaque, l’autre est en réception, c’est lui qui généralement utilisera une technique d’aïkido. Une relation d’écoute est constamment recherchée pour trouver la meilleure adéquation entre l’attaque et la réponse qui lui sera donnée. Si l’écoute n’est pas au rendez-vous, la réponse ne sera pas pondérée, risquant ainsi de blesser l’attaquant ou le malmener en lui faisant violence. Quand l’écoute est de bonne qualité la pratique devient harmonieuse, la technique s’exerce sans violence même si parfois la technique est spectaculaire aux yeux du spectateur. Cet aspect relationnel, de bonne communication, est essentiel dans la progression de la pratique.

– L’acceptation de la réponse C’est bien souvent l’attaquant qui reçoit ou subit une technique proportionnée en réponse à son attaque. Il doit l’accepter, c’est-à-dire qu’il devra suivre généralement la direction vers laquelle l’invite son partenaire qui était en position d’attaqué. S’il ne le fait pas il risque la blessure (les techniques d’aïkido sont efficaces, n’oublions pas qu’il s’agit d’un art martial !). S’il y a résistance de la part de l’attaquant, la relation peut alors tourner en rapport de forces, en un affrontement qui va s’exercer de manière antagoniste. C’est le plus fort qui alors gagnera l’échange mais ce ne sera plus de l’aïkido, de la lutte tout au plus ! Ce n’est donc pas dans l’intérêt de la pratique de s’opposer à la réponse et de ne pas jouer le jeu. Généralement de bons aïkidokas ne s’aventurent pas à pareil rapport de forces. On n’en sort jamais victorieux !

Il y a une attitude relationnelle dans la méthode ESPERE qui consiste à préférer l’apposition à l’opposition, j’y vois un rapprochement de plus entre ces deux pratiques. L’apposition consiste à ne pas chercher l’affrontement dans les différences de chacun mais à en favoriser leur mise en commun pour ne pas couper ou maltraiter la relation.

– Le centrage Il ne s’agit pas vraiment d’un principe mais d’une qualité essentielle à toute pratique d’un art martial. Le centrage de l’attitude permet de garder la maîtrise de son centre, donc de ses mouvements. Si le centrage n’est pas installé lors de l’exécution d’une technique le pratiquant risque alors d’être débordé par la force engagée par l’attaquant, perdre ses points d’appui, sa mobilité, donc le choix de sa direction et ainsi subir l’attaque. Il perd ainsi l’opportunité qu’il avait de transformer le duel en duo !

Dans la communication relationnelle la congruence, le respect de soi, le nourrissement des besoins essentiels, le bon positionnement me semblent avoir des points communs avec la notion de centrage. Personnellement, je propose souvent dans les stages de communication que j’anime des exercices corporels (sophrologie, yoga, taï chi, posture de méditation…) qui favorisent l’enracinement, la perception et la consolidation de son centre vital. Je suis souvent étonné de constater à quel point le travail corporel aide ainsi les personnes à trouver de meilleurs positionnements relationnels. Le recours à des exercices corporels peut permettre ainsi de sentir certains concepts relationnels de la méthode ESPERE, ce qui favorise à mon sens leur intégration et une compréhension plus juste et plus vivante de la méthode.

Patrick Le Guen, le 20 novembre 2006