Pour passer du réactionnel au relationnel…
J’ai écrit ce texte en complément de l’article « Il est merveilleux cet enfant ». Il s’adresse à celles et ceux engagés dans une démarche de communication sans violence.
Bien qu’habités de valeurs (tolérance, respect, bienveillance, responsabilité) pouvant nous pousser à nous engager dans une éducation ou une démarche de communication sans violence, qui d’entre nous, n’a jamais été un jour ou l’autre confronté douloureusement au réveil d’une ancienne blessure (inscrite très tôt dans notre vie : blessures primitives et archaïques) nous laissant dans le désarroi le plus complet ? car un événement mineur (retard, mauvaise note à l’école, petit mensonge, parole maladroite, désobéissance…) peut déclencher des réactions d’une extrême violence sans commune mesure avec l’élément déclencheur. L’énergie réactionnelle que peut susciter un message ou un évènement est toujours fournie par celui qui reçoit le message. Et cette énergie réactionnelle (souvent projetée sur l’autre, sur celui ou celle qui est l’un des éléments déclencheur de notre réaction) peut nous aveugler longtemps sur la véritable cause de notre mal-être et nous barrer la route d’une évolution ou d’un dépassement possible.
D’où l’intérêt d’un travail « sur soi » qui me semble central pour ne pas s’enfermer dans nos blessures ou laisser nos ressentis écrans (colère, irritabilité…) nous envahir et venir encombrer ou blesser la relation à nos enfants.
Oui, la non-violence est exigeante, c’est un long chemin de maturation, d’avancées parfois étonnantes et aussi de retours en arrière démotivants quand nous nous retrouvons à nouveau comme prisonniers de nos vieilles habitudes réactionnelles.
Les enfants ont l’art de nous chercher dans notre face ‘hideuse’ (violente, agressive, angoissée), de réveiller en nous l’ex-enfant blessé (plein de rage, de colère, de souffrances indicibles). C’est pourquoi les enfants nous mettent eux aussi au monde pour nous faire accoucher du meilleur de nous-mêmes (dans nos besoins les plus vitaux, dans le respect de la vie en soi, dans nos désirs les plus beaux…) et parfois, hélas, du pire lorsque nous perdons pied dans nos zones d’ombre….
Se former, être accompagné est une exigence pour dépasser les situations intenables, pour prendre soin de nos blessures afin de ne pas laisser nos enfants nous réparer. Les tentatives de réparation sont souvent coûteuses… en énergie perdue, en missions impossibles à tenir, en démobilisations profondes sur le chemin vers nous-mêmes.
Retrouver une assise intérieure stable, sécurisante est pour moi un enjeux essentiel pour devenir un parent solide, responsable et fiable. En même temps, nous avons droit à nos ressentis (colère, irritation, inquiétude…), le travail sur soi, permet de relier nos ressentis à nos besoins, à notre justesse intérieure afin de ne pas les projeter de manière réactionnelle et parfois violente dans nos relations les plus chères.
Oui, le chemin de la non-violence est difficile, aussi difficile que d’être parents ?
Dans les stages que je propose je travaille bien souvent en amont de nos relations d’aujourd’hui, sur les relations significatives du passé qui ont été à l’origine de blessures ou de situations inachevées. En proposant et accompagnant les personnes à revisiter ces lieux de leur histoire, je suis toujours impressionné (et je le vis avec gratitude) par la capacité de chacun, de chacune, à trouver un fond d’humanitude, de respect, de bienveillance là où pourtant la blessure est vive, ouverte. Je suis souvent surpris par les capacités auto-thérapeutiques de chacun lorsque nous touchons ce fond d’humanitude.
Je ne peux qu’inviter les personnes engagées sur ce chemin de la non-violence de faire un travail en groupe un jour ou l’autre pour goûter cette saveur particulière et réparatrice du respect, de la bienveillance, et surtout de l’accueil de soi et des autres dans ce qu’il y a de plus fragile et vulnérable en nous-mêmes… il y a là une source inépuisable de force et d’espérance.
Patrick Le Guen (2010)